La Bonne Gouvernance : Rôle de la société civile dans l’exercice du contrôle citoyen de l’action publique

Vers la fin de l’année 1999, nous faisions nos premiers pas dans le monde des ONG, comme agent de terrain dans un village du nom de Déguéla à 6 km de Kangaba dans la région de Koulikoro.

I- INTRODUCTION : L’ANECDOTE DU VIEUX YAMOUDOU KEITA DE DEGUELA

Un jour, une délégation nationale arriva de Bamako et tint une réunion avec le conseil de village. L’objectif de la réunion était de recenser les besoins de la population. Après l’introduction de la réunion, les techniciens de l’équipe posèrent des questions et enregistrèrent tous les besoins exprimés par le chef de village et ses conseillers.

Après la réunion, au cours d’une causerie informelle je posai à un vieux, la question de savoir pourquoi il est resté silencieux pendant tout le long de la réunion. Le vieux Yamoudou Kéita (c’était son nom) me répondit qu’il ne sait plus combien de fois il a participé à une réunion pareille. « Mon fils dit-il, depuis que j’étais jeune garçon comme toi, chaque année les « fama » viennent de Bamako et nous demandent nos problèmes. Nous leur expliquons tous nos problèmes et ils les écrivent. Si tu pouvais retrouver tous ces papiers aujourd’hui et que tu les mettes bout à bout pour les coudre, j’en ferai un pantalon bouffon et un ample boubou qui trainerait derrière moi. Mais mon fils, nos conditions de vie deviennent difficiles d’année en année. Ces recensements n’ont aucune suite »

Cette réponse du vieux Yamoudou me donna beaucoup à réfléchir. En l’analysant, nous voyons qu’elle soulève beaucoup de problématiques entre autres celles de la pauvreté, de la planification et surtout de l’implication des populations dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des actions de développement les concernant. Le vieux Yamoudou a posé en d’autres termes la question de la gouvernance.

De cette période à maintenant, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Entre temps nous avons connu les évènements de 1991 à la suite desquels la constitution du 25 février 1992 a connu le jour et a jeté les bases de la décentralisation c’est-à-dire la possibilité pour les populations à la base de planifier leurs propres actions de développement, de les exécuter et de les évaluer dans les conditions prévues par la loi. Mais de nos jours, toutes les questions suscitées par le vieux Kéita ne sont-elles pas d’actualité ?

II- COMPREHENSION MUTUELLE SUR CERTAINS CONCEPTS :

Avant d’aller plus loin, essayons de nous comprendre sur certains concepts contenus dans le thème de nos débats notamment les notions de société civile, de contrôle citoyen et de bonne gouvernance

La bonne gouvernance : Dans un pays on parle de bonne gouvernance lorsque le gouvernement utilise judicieusement les ressources et prend de bonnes politiques qui profitent à la population.

On peut parler de bonne gouvernance même dans les organisations. On dit qu’il y a de la bonne gouvernance dans une organisation quand ses ressources (financières, matérielles, humaines, etc. .) sont utilisées à bon escient et quand les décisions prises ne profitent pas seulement à quelques membres mais à tous.

La société civile : La notion de société civile est une notion très ambiguë qui dans beaucoup de débats, ne fait l’unanimité à telle enseigne que beaucoup de gens préfèrent parler d’acteurs non étatiques (ANE).

Tous comptes faits, la notion de société civile renvoie à beaucoup de connotations positives notamment : l’autonomie, la responsabilité, la prise en charge par les individus eux-mêmes de leurs propres problèmes.

Dans nos débats, tombons d’accord que la société civile désigne la partie de la société dont l’objectif n’est pas la conquête du pouvoir. Ainsi, dans le paysage malien nous pourrons considérer comme faisant partie de la société civile les associations (signataires d’accord cadre ou non telles que les ONG, les APE/CGS, les ASACO, les associations de ressortissants,), les groupement, les coopératives, les GIE les syndicats, les faîtières, etc..

Le contrôle citoyen :

L’expression est composée de deux vocables : le contrôle et le citoyen

Le contrôle :
 La vérification de la validité ou de la légalité (de quelque chose) ;
 La surveillance attentive de la qualité ou du bon fonctionnement (d’un produit, d’une machine ou d’un système)

duval eric securite togo

Quant au mot citoyen :

En le prenant comme nom commun, il s’agit d’une personne majeure qui dispose du droit de vote et possède les droits et les devoirs liés à sa nationalité

En tant qu’adjectif c’est par exemple un acte : qui constitue ou apporte une contribution active à la vie publique nationale et à sa bonne marche

Le contrôle citoyen de l’action publique est une démarche orientée vers les décideurs. On parle de contrôle citoyen de l’action publique quand les citoyens ordinaires, les organisations de la société civile obligent les détenteurs du pouvoir à rendre compte de leurs actions et à assumer leurs responsabilités

La notion de contrôle citoyen de l’action publique renvoie à un large éventail de mesures et de mécanismes (autres que le suffrage) auxquels les citoyens, les communautés, les organisations de la société civile et les médias indépendants peuvent recourir pour influencer les tenants du pouvoir dans leurs actions. Ces mesures comprennent, par exemple, la participation des citoyens à l’élaboration des politiques et des plans de développement, la budgétisation participative, le suivi des dépenses publiques, le suivi par les citoyens de la prestation des services publics, etc.

III- QUEL ROLE DE LA SOCIETE CIVILE DANS L’EXERCICE DU CONTROLE CITOYEN : CAS DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

La question est suffisamment vaste. Elle peut être comprise aussi bien dans le contexte mondial, dans le contexte national que dans le contexte local. Pour mieux la camper, prenons le cas des collectivités territoriales. A ce niveau aussi, choisissons la collectivité de base qui est la commune.

Fondements législatifs : Rappelons que le contrôle citoyen trouve son fondement dans le code des collectivités territoriales notamment dans ses articles 17 et 72 en ces termes :

Article 17 : Avant de délibérer sur les matières ci-après, le conseil communal est tenu de prendre l’avis du ou des conseils de village ou/et de fraction ou des chefs de quartier concernés :

La voirie, les collecteurs de drainage et d’égout ;
Le transport public ;
L’occupation privative du domaine public ;
Le cadastre ;
L’organisation des activités agricoles, pastorales, sylvicoles, de pêche ou de chasse ;
La création et l’entretien des puits et points d’eau ;
Le schéma d’aménagement du territoire communal et les plans d’occupation du sol ;
La protection de l’environnement et la gestion des ressources naturelles ;
La gestion du domaine public et privé communal ;
L’implantation et la gestion des équipements collectifs.

Selon l’article 72 du code des collectivités, les conseillers de village, de fraction et de quartier peuvent formuler des recommandations sur toutes mesures qu’ils jugent utiles de voir mettre en œuvre par le maire.

Ils donnent leur avis toutes les fois qu’il est requis par les lois et règlements ou qu’il est demandé par l’autorité administrative.

Ils sont obligatoirement consultés sur :

L’organisation des activités agricoles, pastorales, sylvicoles, halieutiques et cynégétiques ;
L’implantation et la gestion des équipements collectifs ;
L’élaboration et la mise en œuvre des schémas d’aménagement et des plans d’occupation du sol ;
La protection de l’environnement et la gestion des ressources naturelles ;
Les litiges domaniaux et fonciers ;
La partie du plan de développement concernant leur village, fraction et quartier. Beaucoup d’autres articles du code des collectivités offrent au citoyen l’opportunité d’exercer son droit de contrôle ;
L’article 26 du CCT stipule que les sessions du conseil communal sont publiques. Donc n’importe quel citoyen peut assister aux sessions du conseil sauf dans quelques cas d’exception fixés par la même loi ;
Le CCT dans son article 30 fait obligation au conseil communal d’afficher au siège de la Mairie ou de porter à la connaissance des populations les comptes rendus des sessions dans les huit jours qui suivent :

* Selon l’article 33 du CCT tout habitant ou contribuable de la commune a la possibilité de se faire communiquer (à ses frais) ou de consulter sur place : * les procès verbaux et les délibérations du conseil communal ; * les budgets et les comptes communaux ; * les arrêtés communaux ; * Les décisions issues des délibérations peuvent faire l’objet de recours (art 34 CCT). est possibilité pour un contribuable ou un habitant d’une collectivité territoriale d’introduire un recours en annulation contre une décision prise par l’autorité de tutelle de cette collectivité. Ainsi, la décision d’approbation d’une délibération du conseil communal (prise par le Préfet, autorité de tutelle de la commune concernée) peut faire l’objet d’un recours en annulation introduit par un habitant ou contribuable auprès du Gouverneur de la région (autorité supérieure) ou du tribunal administratif dans un délai de un mois (art 235 CCT).

Dans le processus d’élaboration des budgets il fait obligation au Maire d’organiser :
la consultation des conseils de villages, quartiers ou de fractions composant la commune ;
un débat public sur le projet de budget le contrôle suprême demeure celui que le citoyen exerce par son droit de vote. Ce droit, consacré par la constitution dans son article 98 est repris par l’article 5 de la loi sur la libre administration.

Questions :

* Quel usage le citoyen malien fait-il de son droit quand on songe au faible de taux de participation aux élections ?. * Existe-t-il d’autres alternatives au vote pour asseoir un contrôle citoyen véritable ? * Le citoyen malien connaît-il ces ouvertures faites par le code des collectivités territoriales ? * Le citoyen malien fait-il usage de ces droits conférés par le CCT ? * Si oui jusqu’à quel niveau ? * Si non, pourquoi ? * Que faut-il faire pour qu’il exerce davantage son droit de contrôle sur l’action publique ?

Autant de questions pour alimenter les débats

IV- PROPOSITION DE QUELQUES ORIENTATIONS POUR LA SOCIETE CIVILE

Sans vouloir empiéter sur les débats, suggérons dès maintenant quelques axes d’orientation de la société civile afin de l’amener à mieux jouer son rôle de contre pouvoir populaire

Améliorer son organisation aussi bien de façon horizontale que verticale ;
Renforcer les capacités des membres ;
Initier et mettre en œuvre un bon système de communication interne et externe ;
Aider les OSC de base à développer leur vision, à faire leur planification stratégique ; Etre plus pro actif.


Macky Sall, l’homme qui a battu Wade

eric duval afrique

Eric Stromeyer ambassadeur du Togo

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